Paru dans Salles Propres N°132, Décembre 2021.
Par Pascal Bertin, AEROMETRIK
De l'élaboration d'un cahier des charges à la qualification sur site d'un monitoring de suivi environnemental : un parcours sur mesure qui nécessite un besoin clairement exprimé et un accompagnement personnalisé.
La révision en cours de l'annexe1 GMP EU, la dernière version de l'ISO 14644-3 (version d'octobre 2019, corrigée en juillet 2020) sur les méthodes d'essais et bien entendu la partie de l'ISO 14644-2 consacrée à la surveillance ont impacté le monitoring environnemental des salles propres dans sa conception, son intégration et le traitement des données. Tous ces changements nécessitent une revue détaillée des installations existantes pour se conformer aux nouvelles exigences. Dans une démarche visant à mettre en place un système de suivi environnemental, la stratégie sera différente si le projet concerne l'installation d'un système nouveau, où tous les champs sont ouverts à l'étude, versus l'extension d'un projet existant où l'obligation de complémentarité dans tous les aspects (communication, installation, qualification...) restera la priorité.
Bien définir le périmètre, les objectifs et les moyens
Pour les projets de remplacement ou d'extension d'un système existant, les limites sont principalement définies par :
- les spécifications des équipements à remplacer ou à compléter ;
- les contraintes existantes sur l'installation et le standard des câbles et liaisons.
De manière générale, sauf si l'existant ne donne pas entière satisfaction, le système sera complété avec des équipements identiques, dans le but de limiter les coûts de qualification et le nombre de prestataires pour les vérifications métrologiques. Une simple mise à jour ou une modification plus profonde du logiciel de suivi environnemental pourra être nécessaire. Il faut prendre en compte le fait que certaines solutions « clés en main » sont limitées à un nombre d'entrées pas toujours extensible... Au-delà de ces contraintes d'ordre pratique, il sera obligatoire de définir de façon précise les attentes et le besoin. Cet état de fait nécessitera une connaissance approfondie des possibilités existantes sur le marché en termes de technologies et de types de capteurs. Cette démarche, qui doit tenir compte des besoins potentiels à venir, impliquera fournisseurs, intégrateurs et clients finaux dans un esprit de partenariat.
Cette phase démarre généralement par une analyse de risque sur les paramètres à mesurer, qui prend en compte la configuration des lieux, les flux de matériels et de personnels ainsi que les contraintes techniques liées au process et à son organisation. La mise en forme des mesures et l'interprétation seront facilitées par des « solutions-logiciels » répondant aux standards du domaine. Toutefois une personnalisation sera toujours possible pour des demandes spécifiques.
La montée en puissance de la gestion informatique d'un projet
À ce stade, il est essentiel d'intégrer les services informatiques du client comme partie prenante dans la mise en œuvre du monitoring au regard des usages en vigueur dans l'entreprise. Quelle que soit la taille de l'entreprise, ces services informatiques seront mis à contribution dans tous les domaines de la gestion et de l'intégrité des données (traçabilité, qualification, archivage, etc.). La digitalisation des enregistrements liée à la production devient un enjeu prioritaire pour les années à venir.
En effet, l'évolution et le développement des systèmes informatisés pour le suivi environnemental ont nécessité de profonds changements sur de nombreux aspects :
• diversité des protocoles de communication nécessitant des développements adaptatifs permanents sur les applications et des drivers spécifiques (nouvelles technologies) ;
- renforcement documenté de l'intégrité des données ;
- extension de la capacité des EMS (EnvironmentaI Monitoring Solutions) à de nouveaux besoins (par exemple : gestion des appareils mobiles, intégration de la traçabilité des prélèvements microbiologiques ...) ;
- gestion renforcée de données d'information liées à la communication numérique des capteurs (protocoles ModBus, Wi-Fi, etc.) impliquant plus de données collectées en relation avec les mesures ;
- nécessité de réaliser pendant les qualifications un test comparatif à chaque point, de bout en bout, avec un dispositif de référence associé à une génération de la grandeur mesurée, dans le but de démontrer la traçabilité de la mesure ou du comptage et l'intégrité de toutes ces données.
Pour autant, la clé d'un système de monitoring environnemental pérenne reste l'ouverture et la capacité à pouvoir évoluer et intégrer les besoins à venir en termes de diversité de capteurs et de types d'informations. Point important également : le traitement de l'information et la forme des rapports générés associés aux données de production. Ce besoin en évolution constante limitera l'accès à des solutions proposées par les fournisseurs de capteurs qui restent limitées, figées et orientées sur les capteurs fournis.
L'installation, une phase critique documentée
Pour la phase d'installation, en complément de l'argumentation définie lors de l'analyse critique pour le positionnement des points de mesure, il sera nécessaire d'étayer ces données au travers de mesures réalisées durant les phases de qualification, et surtout de prendre en compte les bonnes pratiques d'installation afin d'éviter des mesures erronées.
Pour rappel, concernant le comptage particulaire, le nombre de points de mesure n'est pas le nombre de points définis selon l'ISO 14644 mais le nombre et le positionnement des points critiques définis au travers de l'analyse de risque et de la cartographie réalisée en amont.
Ne pas oublier les objectifs principaux du monitoring qui restent :
• la mise en place d'indicateurs pertinents pour le suivi de la production et la collecte de données essentielles : données utiles pour l'exploitation, données pertinentes pour la criticité, données permettant une action, données de suivi de tendance, données permettant de façon prédictive d'intervenir avant un incident ;
- le besoin pour fournir des informations documentées associées au dossier de production.
Prise en compte de la nature du capteur et de ses préconisations
À titre d'exemple, pour le cas du comptage particulaire, il sera recommandé d'éviter les erreurs classiques très souvent présentes sur des systèmes existants et sujettes à des remarques lors d'audits, à savoir :
- utiliser les sondes isocinétiques adaptées au débit des compteurs de particules ;
- ne jamais positionner les capteurs plus haut que les sondes de prélèvement ;
- limiter la longueur du tube de prélèvement à 1 mètre ;
- garantir une distance suffisante entre le point de prélèvement et le point critique afin d'éviter de perturber la zone critique au niveau aéraulique et ne pas aspirer d'éventuelles projections : liquides, poudres, bris de verre, définies comme « casse de production » ;
• éviter les tubes de prélèvement trop courts avec des éclairages ambiants modernes de type led (il est conseillé d'utiliser des sondes anti-lumières pour les points situés à proximité de ces sources lumineuses); - limiter le nombre et l'amplitude de courbures des tubes de liaison ;
- ne pas positionner les compteurs de particules à proximité immédiate de sources de chaleur, de vibrations, de parasites radioélectriques ou d'arcage électrique ;
- choisir une ligne de prélèvement et un compteur de particules adaptés au protocole de décontamination qui sera appliqué.
Ces études seront à intégrer pour l'ensemble des capteurs présents dans le suivi environnemental et devront faire partie de la justification du positionnement des points de mesure. De façon générale, cette approche nécessite une collaboration étroite entre les « équipesclient » et le fournisseur de matériel. Dans de nombreux cas, le fournisseur sera amené à réaliser les prestations de qualifications sur ces équipements et sur les lignes de transfert de l'information associées pour garantir une intégrité complète de la mesure.
La qualification, une phase idéale pour le transfert du savoir
Pendant les différentes phases de qualification, il sera judicieux de travailler sur le positionnement des valeurs d'alerte et d'alarme pour chaque capteur. De façon pragmatique, une définition de la valeur d'alerte et d'alarme est définie sur la base de l'étude des données obtenues durant la phase de qualification en intégrant, bien entendu, les valeurs normatives et réglementaires.
Le système de suivi environnemental installé, qualifié et fonctionnel n'est pas une fin en soi, tout au contraire, il est très souvent le début de la découverte et de la maîtrise en continu de son environnement, au gré des opérations de production réalisées.
À ce stade, le fournisseur sera très souvent impliqué et devra mettre à disposition son expertise, son expérience et ses moyens pour accompagner ses clients dans le cadre d'investigations sur les données difficilement interprétables, les non-conformités et éventuels dysfonctionnements et phénomènes erratiques.
Un suivi environnemental mature et l'expérience des utilisateurs permettent d'identifier les sources de contamination potentielles. Il est également important de sensibiliser les équipes de production sur les bonnes pratiques et actions à mettre en place pour éviter le renouvellement des alertes et alarmes. Pour autant la vie d'un système de monitoring d'environnement ne s'arrête pas là. Le système se doit d'être agile et adaptatif. Les protocoles de qualification doivent intégrer dès leur conception initiale la possibilité d'ajouts de matériels complémentaires ou de remplacements des équipements en place.
Facteur essentiel : la maintenance curative et préventive
Inévitablement, le système sera confronté à des pannes de capteurs. La vérification métrologique périodique est également d'une importance toute particulière. Il est donc nécessaire d'intégrer ces notions dès le début du projet, afin de définir si l'on peut fonctionner en mode dégradé durant l'absence de certains équipements. De même il est important d'établir une authentique stratégie pour ces démarches de maintenance curative, préventive et rattachement aux étalons. Soit on profite d'une ou plusieurs périodes d'arrêt technique, soit on envoie les capteurs en vérification métrologique au fil de l'eau, les uns après les autres, tout au long de l'année. Dans cette dernière solution il est judicieux d'avoir un parc de capteurs de réserve, les« spares », qui permettent à tout moment d'avoir l'effectif de capteurs au complet.
Des acteurs, une équipe pour la réussite d'un projet
Au regard de ces quelques points non exhaustifs, la réalisation d'un projet de monitoring est une solution « à façon » adaptée à chaque type de besoins et contraintes techniques et/ou financières. Elle implique une définition claire des objectifs, un accompagnement adapté aux besoins avec les différents fournisseurs dans la durée. Pour garantir la réussite du projet, il est primordial de prendre en compte la capacité et la qualité des partenaires dans le suivi, la maintenance, la vérification métrologique des équipements et du système informatisé. Dans beaucoup de cas le projet est d'une telle criticité qu'il est nécessaire de réaliser en amont un audit des fournisseurs potentiels, afin d'évaluer leurs capacités à accompagner et servir pour des années.
Le maintien en conditions opérationnelles implique une réactivité immédiate et donc la capacité à s'approprier son système pour réaliser en interne les opérations de premier niveau. Désigner en interne une personne (monsieur madame Monitoring), interlocuteur privilégié auprès des fournisseurs et des experts externes, reste le meilleur moyen de profiter pleinement de l'expertise des partenaires.